Nos confrères de Panorama.it ont révélé l’accord de 30 pages en provenance de Hong-Kong qui révèle le réel accord entre Suning et Oaktree sur le prêt reçu via le fonds d’investissement américain.
Ce document démontre d’une façon irréfutable que la Famille Zhang ne perdra pas gratuitement le Club en cas de non-respect des délais impartis : Oaktree devra donc payer la différence à Suning pour s’offrir l’Inter. Voici l'article dans son intégralité.
Il ne reste que quelques mois d’ici mai 2024, moment où le Suning, propriétaire de l’Inter, devra restituer au fonds d’investissement Oaktree le fameux prêt de 275 millions d’euros plus intérêts octroyé il y a trois ans. A l’approche de l’échéance, les rumeurs entourants la Propriété Nerazzurra enflent car selon la majorité de l’opinion publique, le sort de la Famille Zhang devrait être similaire à celui de l’ancien propriétaire de l'AC Milan, le Chinois Yonghong Li avec le Fond Eliott qui prenait le contrôle intégral des actions du club Rossonero à la suite du non-recouvrement du prêt américain reçu par le mystérieux entrepreneur chinois.
La documentation a été transmise à l’Avocat Michele La Francesca qui s’est livré sur les détails de l’accord entre les parties et qui dévoile un scénario complètement différent de celui relayé par la presse jusqu’à présent.
De quel type de documentation parlons-nous ?
"Il s’agit de l’acte de constitution de l’intégralité des actions de la Great Horizon SARL, la maison-mère luxembourgeoise qui contrôle l’Inter, consenti par Suning Sports International Limited, en tant que maison-mère asiatique directe de la dite Great Horizon Sarl, en faveur d’Oaktree en regard à l’important prêt de 275 millions d’euros consenti. Ce document a pu être téléchargé gratuitement auprès de la Chambre du Commerce de Hong Kong.
A ce sujet, il est important de noter que le fonds en question s’est vu accorder un gage, non-seulement sur les actions de la Great Horizon, mais également sur les autres sociétés de contrôles luxembourgeoises, à savoir la Grand Sunshine Sarl et la Grand Tower Sarl, ainsi que sur 99,60% des actions de l’Inter. A la lecture de celui-ci, il est possible de noter des informations importantes sur la réglementation de certains "covenants" c'est à dire des engagements liés à la gestion du prêt et à la façon dont il protège le prêteur."
NDLR : C'est quoi un covenant ? Bancaire ou obligataire, une dette est la plupart du temps encadrée par des covenants : ce sont les clauses restrictives du contrat, imposées par le créancier (et négociées du mieux qu'il peut par l'emprunteur). Il y a également les droits administratifs accordés au débiteur et au créancier.
Quelle est la partie la plus intéressante de cet acte ?
"La partie la plus intéressante de l’acte est consacrée à la réalisation du gage ("enforcement of the pledge") régie par la législation du Luxembourg. Peu importe la raison qui pourrait conduire à l’activation de la procédure d’exécution, il est établi que l’appropriation des actifs gagés par le créancier doit précédemment faire l’objet d’une évaluation à la dite "juste valeur marchande" desdits actifs. Si à la suite de cette évaluation, il apparait que la valeur en question dépasse le montant réclamée par Oaktree, ce dernier devra rembourser à Suning la partie excédentaire de la créance."
"Cette évaluation doit être réalisée par un "Appraiser" (évaluateur). Il est également prévu que l’évaluation de celui-ci ne peut être contestée par les parties, sauf erreur manifeste et qu’elle doit être effectuée, en prenant comme référence ou comme modèle, d’autres sociétés opérants dans le même secteur d'activité que la société dont les actifs sont mis en gage."
Pour synthétiser, quelles sont les nouveautés ? Nous avions toujours cru qu’en cas de non-remboursement du prêt accordé à la Famille Zhang, majoré des intérêts, que la Famille Zhang viendrait à perdre l’Inter : vous êtes en train de nous dire qu’ils devront être indemnisés à la place ?
"Oui, c’est absolument ce cas de figure : Il est désormais établi qu’en cas d’exécution forcée, suite au non-paiement du prêt à l’échéance convenue, que Zhang sera toutefois rassuré par le fait que la perte de l’Inter aura lieu à la juste valeur marchande du club, au moment de l’appropriation de celui-ci par le créancier. Cela aurait été un sérieux autogoal de la part du patron Nerazzurro d’accepter la mise en gage de 99,60% des actions du club milanais, contre un prêt de 275 millions d’euros, qui représente une somme qui était très certainement inférieure à la valeur du Club au moment de l’octroi du prêt."
"Je vais vous donner un exemple, en suggérant la valeur du club sur le Marché à hauteur de 1,2 milliards d’euros et en considérant les engagements financiers estimés à 750 millions d’euros qui devront être évidemment déduit de la valeur susmentionnée, tout en déduisant également les 380 millions d’euros réclamés par Oaktree à l’échéance du prêt : La somme qui devrait être versée à Suning pourrait être estimée à approximativement 70 millions d’euros. Il faut également savoir que Suning reprendrait aussi définitivement les 125 millions d’euros encore détenus à Grand Tower : Au total, la Famille Zhang percevrait près de 200 millions d’euros. Si la valeur du Club milanais venait à être estimée à 1,3 milliard d’euros, Suning pourrait porter dans ces caisses environ 300 millions d’euros."
Une démarche intelligente accompagnée d’une gestion différente de ce qu’il s’est par exemple passé avec le Milan sous la présidence de Yonghong Li ?
"Tout à fait : Déjà au moment déboursement du prêt. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a été établi sous la forme d’un Bond-Pik (ndrl : Un PIK, ou paiement en nature, est un type de prêt ou d'obligation à haut risque qui permet aux emprunteurs de payer des intérêts avec une dette supplémentaire, plutôt qu'en espèces) : Le patron de l’Inter avait conscience d’avoir pris toutes les bonnes précautions, dans le cas où, durant la période active du prêt, il ne percevrait pas la somme qu’il considérait comme appropriée pour vendre le Club. La différence entre cette situation et celle liée au magnat chinois Yonghong Li est que celui-ci, comme nous le savons tous, a perdu le Milan à la suite de l’exécution du gage par le Fond Eliott, pour non-respect de l’engagement financier sans que celui-ci ne puisse recevoir un quelconque remboursement."
"Contrairement à la Famille Zhang, l’homme d’affaire chinois lui n’est pas parvenu à faire insérer une clause prévoyant qu’en cas de réalisation de l’évaluation préalable du bien engagé il y aurait un remboursement consécutif de l'excédent de sa valeur par rapport au crédit du prêteur. Dans la pratique, un rapport "égal" avait été établi entre la valeur du bien engagé et le crédit réclamé par Eliott."
Ce constat peut-il nous en apprendre plus sur les récentes manœuvres financières de la Famille Zhang en faveur de l’Inter ?
"Cette constatation explique clairement la raison pour laquelle Suning n’a pas encore refinancé, ou financé, la dette envers Oaktree. En plus du taux d’intérêt élevé et qui représente un réel obstacle dans une telle transaction, pourquoi le propriétaire de l’Inter devrait-il s’endetter davantage auprès d’un quelconque fonds d’investissement qui serait disposer à lui accorder le prêt, tout en sachant que la politique du gouvernement chinois, ainsi que les difficultés économiques de Suning, l’empêcheront de toute façon de pouvoir le rembourser dans le futur ? Pourquoi prendre plus de temps, alors qu’en mai 2021, il a déjà acquis contractuellement la certitude de pouvoir possiblement vendre l’Inter à l’expiration du prêt, à la suite de la non-exécution du gage, à la juste réelle valeur du club sur le marché ?"
La route reste donc épineuse pour le passage de l’Inter à Oaktree...
"Ce n’est pas dit dans les documents, on lit qu’en pratique Oaktree, à travers sa fiduciaire, peut faire exécuter immédiatement et directement le transfert du Club Nerazzurro à un autre sujet. Dans une telle éventualité, il s’agirait clairement d’un sujet qui aura préalablement convenu avec Oaktree des conditions économiques liées à l’acquisition de l’Inter."
"Dans une telle éventualité, en plus de verser au fonds d’investissement américain la somme correspondant au prêt réclamé à Oaktree, soit les fameux 380 millions d’euros, le nouvel acquéreur devrait également rembourser aux Zhang l’excèdent susmentionné. Ce n’est pas la procédure d’affection qui changerait, celle qui prévoit l’évaluation préalable des actifs mis en gage, mais seulement le sujet qui procède à l’exécution."
"Vu sous cet angle, ce ne serait pas rentable pour un acheteur, actuellement, d’entamer des négociations avec Zhang, étant donné que ce dernier, étant protégé, exigerait sans l’ombre d’un doute une contrepartie supérieure à ce qu'il obtiendrait suite à l’accord conclu en son temps avec Oaktree. D’autre part, comme c’est également indiqué, le fonds d’investissement américain est autorisé à procéder à cette expertise avant même la décision de procéder à l’exécution du gage."
Zhang a tout de même répété à plusieurs reprises son désir de rester…
"Dans les faits, l’accord stipule qu’Oaktree ou le sujet à qui il décidera éventuellement de céder les droits d’exécution du gage, au lieu de payer le montant à Suning dont je vous ai fait part à plusieurs reprises, pourrait céder au groupe de Nankin un paquet d’actions correspondantes au montant à rétrocéder à la Holding chinoise après l’évaluation de l’expert. Dans un tel cas, les Zhang resteraient actionnaires du club Nerazzurro avec une participation minoritaire."
Ce qui doit être considéré comme certain dans tout cela : la Famille Zhang n’offrira pas gratuitement le Club Nerazzurro à qui que ce soit."
A retenir, Oaktree n’aura pas le club gratuitement, lui ou le nouveau propriétaire devront passer à la caisse. Le nouvel acquéreur, s’il ne souhaite pas payer Suning pourrait le conserver en actionnaire minoritaire : Les Zhang ont assuré leurs arrières !
®Antony Gilles – Internazionale.fr
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