Sanctionnée par l'UEFA pour non-respect des paramètres du Fair Play Financier, le club milanais joue le tout pour le tout durant cette session de mercato estival ainsi que la prochaine saison. Ça passe ou ça casse.
« L'Inter a toujours été gérée de cette façon. Moratti a quand même dépensé 1,3 milliard en 18 années en gestion » tient à rappeler Marco Bellinazzo. Journaliste au quotidien économique Il Sole 24, il vient de sortir le livre « Goal Economy » qui est en train de devenir un véritable best-seller pour les italiens passionnés de football. A ce jour, maîtriser les rouages économiques de ce sport est plus que jamais nécessaire afin de décrypter son avenir. Cela vaut encore plus pour l'Inter qui tente de remonter la pente en prenant de très gros risques. Voici sa stratégie en cinq étapes.
1. Non à l'austérité
104 millions d'euros : c'est le négatif affiché lors du dernier bilan financier publié en novembre. Quelques semaines plus tard, Erick Thohir sort le chéquier en recrutant Shaqiri, Brozovic, Santon et Podolski au mercato d'hiver. Trois arrivées à titre définitif et un prêt pour un total de 27 millions d'euros. L'Indonésien remet la sienne cet été, 78 millions pour Murillo, Kondogbia, Miranda, Montoya et Jovetic. Pour le Français, 30 millions cash plus 5 de bonus ont été lâchés. Et ce n'est pas fini puisque Roberto Mancini réclame encore un ailier (Perisic ?), un milieu défensif (Melo ?) et un arrière gauche (Clichy ?). Rien que ça.
2. Collaborer avec l'UEFA
Évidemment, on n'est pas fou à l'Inter et les avertissements de l'UEFA sont bien arrivés à destination. Pendant des mois, les deux parties ont longuement négocié puis trouvé un arrangement : « C'est souvent le cas d'ailleurs avec le FPF, mais en échange de cet accord, il faut respecter une série d'engagements dont celui qui consiste à mener des opérations équilibrées lors de cette session de mercato, ce qui n'est pas du tout le cas pour le moment » analyse Bellinazzo. La sanction est pour le moment légère, 6 millions d'euros qui vont être récupérés sur les primes de la dernière Europa League. Puis, un sursis de 14 si les engagements ne sont pas respectés, c'est-à-dire : 30 millions de dettes maximum jusqu'en 2017 et zéro en 2018. Seule vraie punition, 22 joueurs à inscrire sur la liste UEFA en cas de qualification européenne l'année prochaine. « L'Inter a obtenu quelques années supplémentaires pour se remettre à flot puisqu'elle a récemment changé de propriétaire. »
3. Formules innovantes
Pour contourner ces obligations, les dirigeants interisti ont fait parler leur ingéniosité : « Cette débrouillardise est typiquement italienne, avant il y avait les copropriétés, maintenant, d'autres formules ont été intégrées, elles font partie de la dérégulation du système. Cela concerne de nombreux clubs italiens qui ont loupé le virage de la révolution industrielle, hormis la Juve. » Spécialité de la maison interista, le prêt payant de deux ans avec option d'achat obligatoire, afin de diluer un maximum les paiements. Une formule utilisée pour Miranda, Jovetic et Montoya. En mai 2017, les nerazzurri doivent donc s'engager à payer 33 millions d'euros cash. Les bonus sont également de plus en plus récurrents et s'ajouteront éventuellement à cette somme.
4. Déstructurer la dette
« Ce n'est pas un mal d'acheter un club endetté, les Glazer l'ont fait avec Manchester United, mais ils ont également été capables de doubler les revenus. » Ce qui est évidemment loin d'être le cas de Thohir pour le moment, malgré un organigramme révolutionné de A à Z. Ainsi, il a souscrit un crédit de 230 millions avec la banque Goldman Sachs : « C'est ce que l'on appelle une déstructuration de la dette. A partir de septembre, l'Inter va devoir rembourser 3 millions par trimestre jusqu'en mars 2019 et un dernier versement de 184 millions ! Et à chaque fois, il faudra ajouter les intérêts. Cela pèse énormément sur les épaules du club. Pour le moment, Thohir a surtout libéré Moratti de ses garanties personnelles. » A noter que plutôt d'augmenter le capital comme un mécène, l'Indonésien a choisi de prêter de l'argent à son propre club avec des taux d'intérêts frôlant les 10%. Il ne compte pas sortir perdant de cette affaire.
5. Vendre puis finir obligatoirement en Champions League
Le bouquet final, afin de respecter une des règles imposées par l'UEFA. L'Inter doit vendre un maximum de joueurs d'ici la fin de saison. De fait, Shaqiri, Nagatomo, Andreolli, D'Ambrosio, Taider et Schelotto sont écartés du groupe pro, tandis que Juan Jesus et Guarin sont sur le marché. De multiples petites et intelligentes opérations ont permis d'encaisser 20 millions, notamment grâce à l'efficient centre de formation. Mais surtout, ce qu'il faudra, c'est une qualification pour la prochaine Champions League : « C'est aussi le cas du Milan ou de la Roma, beaucoup de Top clubs italiens sont contraints de se qualifier pour la C1, car n'ayant pas de stades de propriété ou de politiques commerciales efficaces. Si l'Inter échoue, cela créerait une situation extrêmement complexe à gérer. On peut dire qu'elle a fait un all-in », conclut Bellinazzo, avant d'ajouter : « A la présentation de mon livre, j'ai croisé Ernesto Paolillo, ancien administrateur délégué du club et qui a comparé, en plaisantant mais pas trop, l'Inter à la Grèce. » Et pas en faisant référence au vainqueur de l'Euro 2004, hein.
Par Valentin Pauluzzi pour sofoot.com (lien)
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