Tel un cancer, le racisme ronge le foot italien, et ce depuis plusieurs décades. Ce qui suit est la traduction de "Could points deductions be an effective way to combat racist abuse in Italian Football?" par Tom Guerriero-Davies paru sur The Gentleman Ultra le 09 Janvier 2019. A partir du triste Inter – Napoli du 26/12/2018, l’auteur arrive à une conclusion intéressante.
Les gros titres après les premiers matches du Boxing Day 2018 de Serie A n'auraient pas pu être plus éloignés de ce que ses programmateurs avaient prévu. Ce qui aurait dû être un événement phare pour la Serie A, tel revendiqué en tant qu'offre renaissante pour les téléspectateurs mondiaux pendant la période des vacances deNoël, a plutôt été éclipsé par une autre tache sur le bilan plutôt sombre du football italien en matière de racisme et de violence.
Après qu'un rassemblement de groupes Ultra près de San Siro ait fait un mort et plusieurs autres blessés, le match du soir entre l'Inter et le Napoli a produit des scènes plus moches dans le stade. Kalidou Koulibaly de Naples a été soumis à de nombreux chants de singes racistes "buu-buu" émanant principalement, mais en aucun cas exclusifs, de la curva nord de l'Inter.
À la 80e minute le Sénégalais a poussé Matteo Politano lors d'une contre-attaque et a à juste titre reçu un jaune. La dérision des fidèles de l'Inter est tombée et Koulibaly, manifestement remonté, a applaudi sarcastiquement l'arbitre, un geste auquel les arbitres de Serie A donnent généralement un jaune, et qui a valu à Koulibaly son deuxième.
La question de savoir si les abus racistes ont été ou non la cause directe des actions de Koulibaly est sujette à débat, mais dans tous les cas, le fait que Lautaro Martinez ait marqué le seul but du match 10 minutes après l'expulsion, et d'une position dans laquelle le défenseur était susceptible d’être présent, a assuré que le racisme était un point focal de la couverture résultante.
L'entraîneur de Naples à cette époque, Carlo Ancelotti, a déclaré qu'il avait demandé à trois reprises la suspension du match, et les avertissements que ce serait le cas si les chants persistaient ont été transmis sur le système de sonorisation du stade. Il semble très probable que la violence qui a précédé le match était dans l'esprit des officiels et de la police à ce moment là. Ils ne voulaient pas d'un autre problème d'ordre public entre leurs mains.
La suspension des matches offre des avantages évidents :
- mettre un terme immédiat aux abus en éloignant les victimes ;
- en refusant aux auteurs la suite du match ;
- en envoyant un message clair que le football ne se jouera pas dans de telles conditions.
Cependant, outre son potentiel d'incitation à la violence parmi les spectateurs enclins, il offre également la possibilité aux supporters mécontents des événements survenus sur le terrain de faire arrêter le match au profit de leur équipe. Il a été utilisé à plusieurs reprises avec peu de preuves d’un succès sur la durée.
Beaucoup de ceux qui ont observé ses événements de loin ont suggéré que le simple fait d'identifier et de punir les délinquants est le seul moyen efficace et juste de traiter le problème. Cela devrait certainement être fait dans la mesure du possible, et il y a de bonnes raisons de penser que la surveillance CCTV dans les stades italiens doit être améliorée. Cependant, ceux qui ont été mécontents d'être à San Siro le lendemain de Noël ou qui ont été témoins d'autres épisodes similaires en Italie savent que la plupart du temps, ce n'est tout simplement pas possible. Ces chants « buu-buu » prennent la forme d'un grondement indiscernable entourant le terrain, clairement audible mais sans origine claire sur laquelle les caméras pourraient facilement se focaliser. Les points d'accès à de nombreux terrains italiens désuets comme San Siro sont tels que l'envoi de la police serait vain et pourrait bien entraîner des affrontements dans les curva, dont les propriétaires n'apprécient guère que les autorités mettent le pied sur leur « terrain ».
Ce que la Fédération italienne de football a opté, ce sont des interdictions de stade, deux matches à domicile pour l'Inter à huis clos et un match supplémentaire sans la curva nord. Les sanctions ont été plutôt bien accueillies par les observateurs, mais avec un manque de certitude quant à quel niveau d'abus constitue exactement quel niveau de punition (la Juventus a été punie avec juste une fermeture dans une curva pour abus racistes plus tôt dans la saison 2018-2019). C'est cependant une réponse qui a été utilisée à plusieurs reprises dans le passé et qui n'agit clairement pas comme un moyen de dissuasion efficace. Les auteurs d'abus regarderont les matchs depuis chez eux ou des bars et reviendront par la suite, tandis que de nombreux membres du personnel et des vendeurs irréprochables perdront le revenu de la journée. Finalement, l'image de la Serie A est encore plus délabrée par les matchs joués sans joie devant des places vides. Le fait que la majorité des supporters non racistes soient également sanctionnés est un inconvénient supplémentaire évident.
Comme déjà écrit dans un article écrit dans TGU après que la dernière fois des chants racistes ont été entendus à San Siro en 2016, les motifs de cette forme d'abus sont, dans une large mesure, tactiques. L'Inter a aligné deux joueurs africains le lendemain de Noël avec Keita Balde Diao et Kwadwo Asamoah, mais sans surprise, aucun des abus ne les visait. Les chants sont clairement un dispositif utilisé pour se mettre à nerf les joueurs adverses. Le comportement raciste n'est pas considéré par les fans de football italiens comme une ligne à ne pas franchir.
La seule voie possible consiste donc pour les autorités à supprimer cette incitation tactique en accordant une déduction de points aux clubs dont les supporters ont été reconnus coupables à grande échelle. Une mesure qui dissuaderait la majorité des auteurs tout en rendant ceux qui persistent comme des parias parmi leurs collègues fans. Cela peut être effectué rétrospectivement et proportionnellement, sans risquer la sécurité de la police ou des supporters lors du match, ni forcer les officiels à prendre des décisions plus fortes à ce à quoi ils devraient s'attendre.
Ce ne serait en aucun cas une solution parfaite. De toute évidence, les joueurs ainsi que les spectateurs qui n'ont joué aucun rôle dans les troubles seraient pénalisés, et un lien plutôt inconfortable entre les performances d'une équipe et le comportement d'une minorité de leurs fans se manifesterait sur le classement. Cependant, étant donné la probabilité de succès de cette mesure, ces arguments impliquent intrinsèquement que ces problèmes transitoires sont plus importants que l'éradication du racisme, ce qui n'est pas une position que le football italien peut se permettre de prendre. Certains ont suggéré que cela créerait des opportunités pour les supporters d'assister aux matchs de l'équipe rivale et de crier des injures dans l'espoir de leur coûter des points. Même si cette possibilité devrait être surveillée, une telle conspiration demandant un certain nombre de fans ne pourrait pas passer inaperçue. Cela est difficile à imaginer.
Les déductions de points ne feraient bien sûr aucune brèche dans la cause profonde du problème qui est le racisme culturel profondément enraciné dans la société italienne. Les commentaires du vice-Premier ministre Matteo Salvini après le match selon lesquels il ne voyait pas la différence entre les insultes racistes et non racistes offrent un aperçu inquiétant des attitudes dirigeantes, mais qui ne surprendraient personne après les récents développements politiques italiens.
Bien que le football ne soit pas en mesure de débarrasser une société de ses maux, il a la responsabilité de se protéger des crimes haineux comme celui qui a eu lieu à San Siro le lendemain de Noël. Cette responsabilité doit peser plus lourdement sur les épaules des instances dirigeantes du football italien qu'elle ne le fait actuellement.
Traduction alex_j via The Gentleman Ultra.
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